Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation
Pour la ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, l’impact n’est plus une option, mais irrigue désormais la vie des entreprises. De son côté, l’État s’engage à les soutenir et à se repérer dans « le maquis des aides ». Entretien.
Les entreprises semblent avoir pris à bras le corps les enjeux sociaux, environnementaux, et maintenant d’intérêt général. Jusqu’où s’arrêteront-elles ? Et d’ailleurs doivent-elles s’arrêter quelque part ?
La place des entreprises a sensiblement évolué depuis 5 ans avec l’entrée en vigueur de la loi Pacte. Non, leur rôle n’est pas réductible au seul profit : bien sûr leur rôle principal est de créer de la valeur financière et économique, c’est même indispensable pour que l’entreprise soit pérenne, mais elles ont aussi un rôle social et environnemental à jouer. Désormais, de plus en plus d’entreprises, de dirigeants, de cadres et de salariés sont convaincus de l’importance d’une vision RSE déclinée à travers tous les aspects de la vie de l’entreprise. Ces évolutions sont importantes et utiles que ce soit pour les salariés comme pour répondre aux impératifs de notre temps. Le plan France Relance, doté de 100 milliards d’euros, a aussi permis à de nombreuses entreprises, sur l’ensemble de notre territoire, d’investir dans de nouveaux moyens de production pour en décarboner leur chaîne. Il n’y a pas une entreprise, lorsque je me déplace, où je ne constate pas ces investissements. Est-ce qu’on peut encore faire plus ? Bien sûr ! Et j’encourage toutes les entreprises à le faire, quelle que soit leur taille. De nombreuses aides existent pour entamer ou accentuer une politique d’entreprise plus écologique. Mais dans ce maquis d’aides il est bien souvent difficile de s’y retrouver. C’est pourquoi, avec Christophe Béchu, nous avons lancé une plateforme (missiontransition-ecologique.beta.gouv.fr) qui recense l’ensemble des aides existantes.
“ Nous pouvons trouver un équilibre entre ambition et efficacité. ”
En même temps, les entrepreneurs voient parfois d’un mauvais oeil l’avalanche de normes qui s’abattent sur eux (en 2025, ce sera la CSRD). Comment les convaincre que la taxonomie est une chance ?
La directive CSRD donne un cadre commun aux entreprises européennes pour mettre en place un vrai reporting de durabilité. Je suis convaincue que l’Union européenne a raison de mettre en oeuvre une taxonomie adaptée. J’entends les inquiétudes que ce texte fait naître. Néanmoins, je veux réaffirmer ici une conviction : nous pouvons trouver un équilibre entre ambition et efficacité. Nous pouvons veiller à ce que les exigences de reporting soient adaptées aux besoins. C’est l’esprit du test sur la norme volontaire CSRD que je mène en avril 2024 avec une quinzaine de PME et les pouvoirs publics pour regarder, ligne à ligne, quelle donnée soulève des interrogations ou pose des difficultés. C’est à la lumière de ces retours que nous nourrirons la réponse française aux consultations sur l’ensemble des normes conçues pour les PME qui voudront se conformer aux standards de CSRD.
Depuis la loi PACTE (que vous connaissez bien), la France est à l’avant-garde des politiques liées à la RSE au sens large. L’Europe, voire le monde, peuvent-ils être partie prenante de ce vaste mouvement ?
Oui, l’Europe le peut, et l’Europe est en train de le faire, en travaillant à construire un cadre institutionnel qui permet la mise en œuvre d’un capitalisme plus responsable. C’est le cas avec la CSRD qui donnera un cadre commun aux entreprises européennes, et la France a également montré la voie avec la loi mise en oeuvre en 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Il faut, en eff et, que les entreprises donneuses d’ordre soient en mesure de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance, liés à leur activité. C’est aussi l’ambition du Pacte Vert européen qui doit permettre à l’Europe de se doter d’une stratégie de croissance plus moderne et efficace en se dotant de technologies à faibles émissions et de produits et services durables pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
“ Une réelle transformation suppose que l’ensemble de ces actions ne soient pas seulement correctives ou déclaratives ”
Post-capitalisme, post-croissance... L’impact nécessite-t-il que le système économique se réforme en profondeur ?
L’impact s’est imposé aujourd’hui dans le débat public. La montée en puissance de la RSE et des stratégies de développement durable, les dynamiques liées à la recherche d’impacts environnementaux et sociaux positifs, l’instauration de la qualité de société à mission, la montée en puissance des recommandations éthiques ou encore les exigences grandissantes de la compliance et du reporting extrafinancier constituent autant d’avancées tangibles. Pour autant, une réelle transformation suppose que l’ensemble de ces actions ne soient pas seulement correctives ou déclaratives. Le système économique ne peut que bénéficier d’une montée en puissance de cette « économie autrement » qu’est l’ESS. Qu’il s’agisse de partage de la gouvernance, de partage de la valeur ou de propriété collective (à l’image notamment des coopératives et singulièrement des SCOP), la démocratie économique en acte implique de rentrer dans le détail de la stratégie d’entreprise. Renforcer l’ESS c’est aussi répondre à des envies de plus en plus fortes de la part des consommateurs mais aussi des salariés. Ce sont des atouts concurrentiels non négligeables dans l’attractivité de nos entreprises qui vont prendre de plus en plus d’importance.
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