JOP 2024

Alea jacta est : Les derniers JO à Paris ? [1/2]

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Débarquer en taxi volant dans un stade pour assister à une compétition sportive dans des tribunes conçues à base de déchets ? Ce n’est pas de la science-fiction mais d’ores et déjà la réalité. Les grands événements internationaux sont des accélérateurs d’innovation.

À commencer par les Jeux olympiques. Ils ont aussi vocation à laisser aux Parisiens un héritage matériel (avec la construction d’équipements et de logements), mais aussi immatériel.  Changement des pratiques, progrès technologiques, expérimentations sociales, améliorations logistiques, avancées en matière de RSE… : cet événement devrait irradier durablement. Pour répondre aux défis technologiques et environnementaux, PME et grands groupes rivalisent d’ingéniosité pour proposer des dispositifs à la pointe de la modernité. Avec des répercussions en termes d’image pour la capitale, mais aussi des bénéfices indéniables pour les générations futures ...
Ils sont attendus comme l’une des principales attractions des Jeux olympiques de Paris en 2024 en matière de mobilité : les taxis volants représentent une véritable démonstration du savoir-faire et de la technologie française. Ils commencent à quitter les centres de recherche pour arriver sur les tarmacs, à l’image de celui de Volocopter, qui devrait prendre du service officiellement dès l’an prochain.
Plusieurs « vertiports » seront ainsi desservis par les appareils. Un trajet reliera notamment l’héliport d’Issy-les-Moulineaux à l’aérodrome de Saint-Cyr l’École près de Versailles. Une autre liaison est prévue entre les aéroports Charles de Gaulle et Le Bourget. Un peu plus au centre de Paris, une barge flottante va être aménagée sur la Seine au quai d’Austerlitz pour rejoindre l’héliport d’Issy-les-Moulineaux. « Elle sera le seul vertiport créé de toutes pièces en zone urbaine. Cette expérimentation sera une première dans une capitale européenne », s’est félicitée Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France. Au-delà du transport des passagers, ces véhicules du futur pourraient remplir certaines missions dans le secteur logis- tique et dans les missions du secours. Des installations qui vont se prolonger bien au-delà de l’événement, car l’héritage des Jeux s’annonce enthousiasmant !

Les entreprises en première ligne.
Au lendemain de la Coupe du monde de rugby, les entreprises sont de nouveau en première ligne dans l’organisation des grands événements internationaux. Les enjeux sont nom- breux, tant ces moments forts mobilisent le tissu économique parisien, en coordination avec les pouvoirs publics et les comités d’organisation. Bon nombre de structures cherchent à capter des marchés publics afin de croître. Et ce, quelle que soit leur taille. D’ailleurs, à ce jour, les TPE et PME représentent les trois quarts des 1 500 fournisseurs officiels de l’événement mondial. Il faut dire que ces 1 500 marchés représentent un montant global d’achats de 2,5 milliards d’euros. Une enveloppe qui monte à 5 milliards en y ajoutant les marchés de la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques).
Avec le Comité d’organisation des Jeux olympiques Paris 2024 (Cojo), la Solideo a démultiplié le sourcing et organisé différents rendez-vous avec les régions et les CCI. Webinaires, meetup, ateliers… Le fonctionnement de la commande publique a été expliqué aux entreprises locales, peu familières avec ce type de procédures. L’objectif est en effet de tenir la promesse maintes fois répétée, à savoir que les JO 2024 bénéficient amplement à la Seine-Saint-Denis et à son tissu économique. En partenariat avec la CCI 93 et dans le cadre du dispositif La Fabrique des Jeux, la plateforme ESS 2024, qui accompagne le secteur de l’économie sociale et solidaire, a dispensé plusieurs formations sur les appels d’offres.
C’est grâce à cela que Cotton Division, une entreprise de textile basée à Pantin depuis vingt ans, a pu faire partie des heureux élus. Comme beaucoup d’autres, son patron, Sandeep Narayan n’avait pas la culture des marchés publics.

“ Parmi les chantiers les plus notables : la rénovation du quartier Porte de la Chapelle avec l'Arena III. ”

La mobilisation des acteurs de l’ESS : une avancée majeure.
La mobilisation collective du secteur de l’inclusion représente une avancée majeure. Le travail de plaidoyer et de pédagogie mené bien en amont des appels d’offres a porté ses fruits. « Ce travail a permis très tôt de rendre concrètes les ambitions de développement pour les acteurs économiques locaux et en particulier ceux de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), dont nous faisons partie. Je pense en particulier à la charte relations fournisseurs responsables et aux recours aux marchés dits clausés et réservés par Paris 2024, qui imposent tout ou partie d’acteurs de l’inclusion dans les contractants », explique Elias Gerard, directeur Île-de-France de La Conciergerie Solidaire. Ce réseau propose des services de conciergerie aux entreprises, en ayant recours à des personnes en insertion pour les accompagner dans le retour à l’emploi. Elle a piloté sous mandat d’un groupement de 9 SIAE l’appel d’offres pour le marché de la Laverie du village olympique. Son principal défi va être d’opérer le service de nettoyage du linge des résidents du village, soit respectivement 15 000 pour les Jeux olympiques et 9 000 personnes pour les Jeux paralympiques. « Les opérateurs de ce marché sont exclusivement des acteurs de l’insertion par l’activité économique et des ESAT (qui emploient des personnes en situation de handicap). Tous sont des acteurs locaux, basés en Seine-Saint-Denis, dans le nord des Hauts-de-Seine et à Paris. Nos structures sont des acteurs de territoires, qui existaient avant même le dépôt de la candidature de Paris 2024, et qui seront présentes après. Il est, en revanche, clair que nous envisageons un tel évènement comme un réel levier de développement », précise Elias Gerard. Entreprise adaptée employant 80 % de travailleurs en situation de handicap, Le petit plus est spécialisée dans la collecte, le traitement et le recyclage des déchets. Elle a remporté le marché de la gestion des déchets sur les sites olympiques.

Transformations olympiques : Paris change de visage.
La ville de Paris a présenté une série de mesures, co-construites avec la société civile. Pour Anne Hidalgo, maire de la ville, ces Jeux représentent un rendez-vous historique pour la ville. « Un siècle après les avoir accueillis pour la dernière fois, c’est une nouvelle aventure collective qui attend les Parisiennes et les Parisiens. L’histoire des Jeux modernes croise celle des hommes puis des femmes tout au long du XXe siècle. Elle suit notre chemin vers la paix, notre quête vers la maîtrise de la technologie, notre ambition de construire des sociétés plus inclusives », explique-t-elle. Les Jeux de Paris 2024, pour être au rendez-vous de l’Histoire, devront répondre aux grands défis actuels, à commencer par la préservation de notre planète : « parce que notre engagement pour le climat doit nous permettre de penser la ville de demain, et parce qu’il doit irriguer tous nos champs d’action. Nous voulons que nos Jeux soient eux aussi vecteurs des transformations de Paris. Si j’ai si ardemment soutenu la candidature de Paris pour ces Jeux, c’est parce que cet événement est un puissant levier de transformation ». À ses yeux, c’est une période excitante et enthousiasmante pour la métropole et pour ses habitants auxquels l’héritage des Jeux profitera. Il s’agit notamment de transformer le périphérique en boulevard urbain avec la réservation d’une voie pour les transports en commun, le covoiturage, les véhicules propres et transportant les personnes à mobilité réduite.
Parmi les chantiers les plus notables, notons la rénovation du quartier Porte de la Chapelle avec l’Arena III (8 000 places), le village des médias, sur les communes de La Courneuve, du Bourget et de Dugny, qui offrira 340 logements à l’issue des Jeux, le village des athlètes, sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Île-Saint-Denis, qui sera reconverti en 2 807 logements et 100 000 m² de bureaux et services, et le centre aquatique olympique, à Saint-Denis, qui, à terme, accueillera le grand public, les scolaires et des compétitions nationales ou internationales. L’héritage à venir inclut également, aux alentours de la tour Eiffel, 54 hectares seront réaménagés pour créer un nouveau quartier de ville végétale, accessible et convivial. Sans parler de la possibilité de se baigner dans la Seine en 2024 et au-delà. L’objectif est aussi de faire de Paris une ville exemplaire pour l’accessibilité et l’inclusion des personnes en situation de handicap avec la création de quartiers 100 % accessibles. La ville deviendra 100 % vélo en 2024 avec la création des boucles cyclables olympiques pour relier les sites olympiques et la piétonisation du centre de Paris. Une amélioration des continuités urbaines est au programme pour les promeneurs et les sportifs (parcours Nation/Clichy, petite ceinture, ceinture verte entre les Maréchaux et le périphérique, et berges des Canaux de l’Ourcq et de Saint-Denis).

Assainir la Seine et en faire un axe logistique.
L’environnement est en effet un enjeu crucial au cœur des réflexions. Avec à la clé, des démarches très innovantes, notamment pour assainir la Seine, sachant que la cérémonie d’ouverture des Jeux ainsi que deux épreuves de natation se dérouleront dans la Seine. En sachant que par la suite, les Parisiens pourront profiter d’un fleuve propre pour en jouir à leur tour. Il s’agit aussi d’organiser la logistique et les transports de façon aussi responsable que possible. En effet, de tels événements impliquent de gérer les flux dans une logique durable. La Seine est en passe de devenir une artère du BTP. À cette fin, une grande partie des déblais et matériaux du chantier du village olympique en Seine-Saint-Denis sont acheminés par voie fluviale. Ce mode de transport est certes plus coûteux, mais plus respectueux de l’environnement que la voie routière. Pour aménager le village olympique, entre Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L’Île-Saint-Denis, environ 500 000 tonnes de déblais ont d’ores et déjà été évacuées par barges lors du chantier préparatoire, soit 80 % de la masse totale des déblais produits par Eiffage et Icade, les deux plus gros promoteurs présents sur le site. Les 20 % restants n’ont pu être évacués par ce biais car correspondent à des terres polluées devant être transportés par convois spéciaux. La dimension durable est importante à tous les niveaux. Y compris concernant les matériaux utilisés. Les tribunes seront ainsi conçues avec des déchets recyclés par Le Pavé. Véritable pépite, cette entreprise produit les 11 000 sièges repliables de l’Adidas Arena de la porte de la Chapelle et de la piscine olympique de Saint-Denis. « Quand nous nous sommes lancés, nous avions pour objectif d’être le matériau des JO », se rappelle Marius Hamelot, co-fondateur de l’entreprise. Transformer les déchets plastiques industriels en panneaux pour le bâtiment, telle est la raison d’être de cette structure. « Nous avons créé un modèle économique qui valorise le déchet. Nous travaillons avec près de 5000 partenaires. Notre usine à Aubervilliers travaille en 3 huit, et nous sommes sur des matériaux 100 % recyclables, sans ajout de résine », explique-t-il. Une autre usine ouvrira bientôt en Bourgogne, grâce à une levée de fonds de près de 10 millions d’euros. D’autres entreprises profitent de l’émulation des JO pour se développer.

Des innovations technologiques et des opérateurs télécom en ordre de marche.
Si les innovations sont d’ordre environnemental, elles sont aussi technologiques, pour les caméras de surveillance par exemple. Sachant qu’un décret fixe les règles strictes du traitement par algorithme des images qui seront captées dans l’espace public durant l’événement, la vigilance s’impose. Et l’intelligence artificielle est d’un grand secours. En septembre 2023, s’est clôturé l’appel d’offres permettant aux acteurs de la vidéoprotection de présenter leurs solutions en matière de déploiement de caméras augmentées. Des ordinateurs vont phosphorer, en temps réel, sur les données vidéo reçues, en les comparant à des situations types stockées en mémoire et donneront l’alerte à l’opérateur en cas d’anomalie repérée dans les scènes analysées. Il convient néanmoins de noter que la pénurie d’agents de sécurité inquiète les autorités. Par ailleurs, les opérateurs télécoms sont en rangs serrés pour innover. En juin dernier, le siège social d’Orange a accueilli en son sein une table-ronde, organisée dans le cadre du Festival #VivaIssy, sur les innovations que les entreprises françaises vont mettre en avant lors des JO de Paris.

Plusieurs grands partenaires des Jeux sont venus valoriser leurs savoir-faire et annoncer de nouvelles innovations destinées à faciliter la diffusion des images des compétitions. Orange, en tant que partenaire premium et fournisseur officiel des Jeux Olympiques Paris 2024, estime que l’enjeu est de taille. C’est la première fois que le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques confie à un seul opérateur la mission de connecter 878 événements sportifs, 32 sites de compétition et 15 000 athlètes, pour rendre l’événement accessible à 4 milliards de téléspectateurs dans le monde. Au total, ce sont plus de 120 sites majeurs qui seront connectés. La cérémonie ainsi que les épreuves sportives, seront sublimées grâce à l’apport de la 5G (cf encadré). Certaines entreprises ont monté des partenariats avec la ville de Paris, à l’instar d’Enedis. « Nous raccorderons tous les sites au réseau public de distribution. Ceux accueillant du public, ainsi que le village des athlètes et le village des médias. Les groupes électrogènes seront la solution de back-up uniquement », explique Chloé Mexme, chef de projet jeux olympiques et paralympiques au sein du groupe. L’objectif, précise-t-elle, est de réduire durablement l’empreinte carbone du secteur événementiel. « Pour ce faire, Enedis investit 100 M€ afin de sécuriser le réseau. La solution pérenne de raccordement au réseau pour tous les événements permet de réduire de 90 % les émissions de CO2 par rapport à l’usage de solutions temporaires (groupes électrogènes), et spécifiquement pour Paris 2024 de 80 % », poursuit-elle. Parmi les innovations, des bornes électriques évènementielles, pré-positionnées sous la chaussée, vont voir le jour. Certaines resteront en héritage à la ville pour de prochains évènements parisiens, notamment place de la Concorde et du Trocadéro. « Dans le cadre des Jeux de Paris 2024, Enedis expérimentera une nouvelle technologie de groupes électrogènes zéro émission, avec Paris 2024 et ses prestataires d’installations temporaires », conclut-elle.

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