#COVID19

Interview d'Olivier Wigniolle « Certaines entreprises souffrent plus que d’autres »

6 mai 2020

Temps de lecture 3 min

La crise sanitaire que nous traversons tous depuis bientôt 2 mois et le confinement de la population qui en découle entraînent une paralysie de l’économie. Certaines entreprises n’ont plus les moyens de payer leur loyer. Éclairage d’Olivier Wignolle, Directeur général d’Icade.

 

Pouvez-vous nous rappeler le métier d’Icade ?

Icade est un groupe immobilier français coté, qui conçoit des produits et des services immobiliers innovants pour répondre aux nouveaux usages et modes de vie urbains. Nous avons principalement trois métiers :

  • Une foncière de bureaux : nous sommes propriétaire de parcs d'affaires et d'immeubles de bureaux ;
  • Une foncière de santé : nous sommes propriétaire de murs de cliniques et d'EHPAD ;
  • Un promoteur immobilier : nous construisons des immeubles de logements, de bureaux, des hôtels, des EHPAD…

 

Icade possède un parc d’affaires à Rungis qui constitue une communauté business qui accueille de nombreuses sociétés. Quel est l’impact de la crise sur ce parc et sur les entreprises qui s’y trouvent ?

Le parc d'affaires de Rungis, situé près de l'aéroport d’Orly, est un parc privé qui s’étend sur 60 hectares : il accueille plus de 450 entreprises locataires et 10 000 employés. Malheureusement, aujourd’hui, ce parc vit au rythme du confinement, avec une activité extrêmement ralentie. Moins de 10 % de nos immeubles de bureaux et d'activités sont actuellement utilisés.

Par ailleurs, malgré la baisse d’activité, nous sommes, comme tout le monde, face à des problématiques de sécurité, de sûreté et de maintenance technique.

Nous avons parmi nos clients de nombreuses TPE et PME qui rencontrent actuellement de grandes difficultés. Il faut savoir que les difficultés économiques de nos locataires deviennent rapidement les nôtres. En effet, nous en subissons indirectement les conséquences, puisque notre chiffre d’affaires correspond aux loyers que nous leur facturons.

 

Justement, le sujet des loyers est un sujet assez délicat en ce moment. Comment le gérez-vous ?

La situation actuelle est très complexe. Certaines entreprises souffrent plus que d’autres. Sur le parc d’affaires de Rungis, nous avons des entreprises de toutes tailles, qui sont spécialisées dans différents domaines. Nous avons des TPE qui emploient 3 à 4 salariés, des PME, des entreprises du CAC40 et même de grands groupes internationaux. Il y a également des sociétés qui travaillent dans le domaine de l’aérien, du tourisme et de l’hôtellerie.

Nous avons rapidement décidé de prendre des mesures pour soulager les entreprises les plus impactées. Nous avons l’esprit de solidarité mais nous faisons aussi preuve de réalisme économique ! Pour être juste et trouver les solutions adéquates, nous pensons qu’il est essentiel de communiquer avec nos locataires pour mieux comprendre leur situation mais aussi leur expliquer la nôtre, car nous avons aussi des responsabilités. Nous avons 1 200 collaborateurs, des emprunts, des prestataires, des entreprises de bâtiments que nous devons payer.

Ainsi, les efforts que nous allons fournir seront donc proportionnels à la taille des entreprises qui sont nos clients locataires. Concrètement, nous allons aider les sociétés de petite taille en allégeant les loyers, voire en allant jusqu’à leur abandon sur des périodes données. Nous ne souhaitons pas voir nos locataires disparaître ! Cependant, pour les grands groupes les plus « solides », nous ne pouvons pas faire grand-chose.

Cela étant, il faut noter que les loyers ne sont qu’une petite partie des fameuses pertes d'exploitation. Ce qui importe vraiment, c’est de savoir qui va payer les 60 ou 70 milliards de pertes.

 

Vous agissez donc cas par cas selon la situation de vos locataires. Certains ne peuvent-ils pas profiter de la situation ?

En aucun cas je ne pourrais soupçonner nos locataires de vouloir faire cela. Il est vrai que les grands groupes qui traversent une situation compliquée ont tendance à impliquer leur service juridique pour essayer de s'affranchir des contrats signés à une époque où le monde fonctionnait normalement.

Je trouve cela très dangereux. À moins d’être dans l’obligation de le faire, nous devons essayer de ne pas s’affranchir de nos contrats. Pour les entreprises comme pour les particuliers, ne pas respecter les contrats signés contribue à l’effondrement de l’économie. Il est important d’honorer nos engagements au risque d’être tous confrontés à des difficultés très significatives.

 

Et qu’en est-il des projets et des chantiers qui ont été stoppés par la crise ?

Nous avions près de 200 chantiers en cours avant la crise. Quand le confinement a été annoncé, en moins de 48 heures, 95 % des chantiers ont été arrêtés, et ce pour plusieurs raisons : rupture de la chaîne d'approvisionnement ; main-d’œuvre qui ne se présentait plus sur les chantiers, inquiétude des sociétés du bâtiment pour assurer la sécurité et la santé des salariés… La branche du BTP a donc arrêté la quasi-totalité de ses activités, et ce, probablement à juste titre.

Aujourd’hui, faire redémarrer l’activité est très compliqué. Nous allons donc commencer par reprendre nos chantiers progressivement, tout en appliquant le guide de recommandation des bonnes pratiques face au Covid-19 pour le BTP.

Par ailleurs, la reprise va nécessiter des coûts supplémentaires. Les chantiers seront plus longs et moins productifs et nous aurons besoin de nouveaux équipements. Dans ce cadre, une discussion avec les entreprises sur la répartition des surcoûts s’imposera. Nous espérons que 30 % de nos chantiers puissent reprendre d’ici fin avril, nous visons les deux-tiers à fin mai et espérons atteindre 100 % à la fin juin.

 

Pour conclure ?

Depuis le début du confinement, nous avons reçu des lettres d’Élus qui nous demandent de ne pas redémarrer le travail sur les chantiers pour ne pas gêner le voisinage avec le bruit des travaux. Je comprends que cela peut être ennuyeux, mais je pense qu’il est temps de faire redémarrer l'activité économique de notre pays. Ce bruit sera le bruit de la reprise de la vie.