Culture

Lifting XXL à la BnF

Située entre la rue Richelieu et la rue Vivienne, la Bibliothèque nationale de France est un véritable bijou. En 1721, la bibliothèque du Roi y emménage. Depuis, elle n’a cessé d'évoluer et sort de 12 ans de travaux destinés à la rajeunir et la réorganiser. Retour sur un lieu chargé d'histoire…

Borghese, Barberini… : ces palais romains de style baroque sont l’inspiration pour le cardinal Mazarin lorsqu’il aménagea son hôtel (l’actuel site Richelieu de la BnF). Élevé dans le milieu de la haute aristocratie romaine, il souhaite en arrivant à Paris, installer ses collections d’art et ses livres dans un endroit qui lui rappelle ces fastes. Il identifie un ancien hôtel particulier, y fait construire une « extension » sous la forme d’un édifice en brique et en pierre, dans le style Louis XIII. Jean-Baptiste Colbert, le très puissant ministre de Louis XIV, souhaite constituer une collection royale, forte, autonome, avec une structure administrative. « Dès 1667, il rattache à la bibliothèque le cabinet du roi, c'est-à-dire à la collection archéologique, numismatique, les bijoux, et objets. Pris, il achète 80 000 estampes et de dessins de la collection de l'abbé de Marolles », ajoute Gennaro Toscano. Et de poursuivre : « Les rois aimaient faire visiter la bibliothèque aux visiteurs de marque, comme au tsar par exemple. On leur montre les manuscrits, les objets et les pièces les plus précieuses. C'était un outil de diplomatie. Louis XIV avait une grande passion pour la médaille. Il en faisait frapper beaucoup en or. Ces cadeaux diplomatiques étaient des instruments de propagande, pour la diffusion de l'image du souverain ». À l'époque, on n'utilise pas encore le mot « musée », qui est nne appellation moderne ; les objets d'art sont entreposés dans les galeries et cabinets, Il s'agit, au-delà des livres, de camées, de vases, de tapisseries, de médailles, d'objets en tout genre. Sous Francois ler, avec l'institution du « dépôt légal », tout imprimeur du Royaume de France doit déposer un ouvrage à la bibliothèque du roi. An départ, c'est nn instrament de contrôle pour voir s’il y avait des hérésies ou des dissonances religienses. An XVIIème siècle, le dépôt est élargi aussi à l'Estampe, puis au XIXème siècle à la carte postale, à la lithographie, aux affiches… tout ce qui est imprimé sur un support papier », ajoute Gennaro Toscano, en précisant qu’aujourd’hui encore, ce dépôt est d’actualité, même pour le jeu vidéo et le web !

...sait s'adapter à l'air du temps

Au moment de la Révolution, la situation devient intenable. L'institution sauve sa peau en ayant l'intelligence de changer de nom. De bibliothèque « royale », elle devient « nationale ».  De ce fait, en servant la nouvelle cause, elle s’attire les bonnes grâces des révolutionnaires. Ce changement de « casquette » lui permet d'échapper aux pillages. Mieux encore, des chefs-d'’œuvre y sont transférées. « On voit arriver tous les jours dans des centaines de charrettes, avec des livres saisis aux convents et aux émigrés des objets et des vases antiques», raconte Gennaro Toscano, tout en rappelant que la bibliothèque saura par la suite jouer le jeu de nouveau, en servant Napoléon, puis la monarchie, avant de redevenir nationale. Une chance inouïe pour récupérer des œuvres qui auraient pu s’éparpiller ! Cette bibliothèque est l’une des rares institutions au monde (avec la bibliothèque vaticane) à bénéficier d’une telle continuité historique, depuis la fin du XVème siècle jusqu’à nos jours, sans aucune dispersion, ni destruction, ni pillage. On y trouve des manuscrits qui datent de l’Antiquité. Cette collection richissime est l’une des plus importantes au monde, avec à ce jour, pas loin de 40 millions de documents ! Le revers de la médaille est que la bibliothèque est submergée. Au fil du temps, il faut rationaliser l’espace, Au XTX° siècle, c’est Henri Labrouste (également connu pour la rénovation de la bibliothèque Sainte-Geneviève), qui s’en charge en créant des « magasins ». Certains peuvent être aperçus à travers une vitre. Mais depuis plus d’un siècle, avec une hausse croissante de la fréquentation, la circulation devenait difficile. Ce sont les architectes Bruno Gaudin et Virginie Brégal auxquels revient la charge de prendre en main le chantier de rénovation du quadrilatère Richelieu, avec pour tâche de moderniser les espaces et les services offerts aux publics, mais aussi de conforter le site comme un haut lieu scientifique et culturel. « L'escaléer belicoïdat, très léger et en alunrininm, a été pensé pour que tous les publics puissent l’emprunter, aussi bien de personnel, que les chercheurs et les visiteurs », précise notre hôte, en insistant sur le fait que la bibliothèque a toujours grandi sur elle-même. Pour faire correspondre des niveaux qui ne correspondaient pas entre eux, il a fallu créer des correspondances. Au total, 261,3 millions d’euros ont été dépensés, financés en majorité par le ministère de la culture (218,7 millions d’euros), mais aussi par le ministère de l’Éducation nationale (à hauteur de 42,6 millions d'euros) et par un mécénat privé (7,8 millions d’euros).

“ Pendant la Révolution, la bibliothèque « royale » change de nom, et devient « nationale ». Et sauve ainsi sa peau! ”

Un lifting salutaire et un musée magnifique 

En septembre 2022, la bibliothèque a ainsi rouvert intégralement ses portes après douze ans de travaux de rénovation et de modernisation. Inscrite au patrimoine historique, la salle Ovale est aussi emblématique que somptueuse. Plus de 20 000 volumes, dont 9 000 BD, sont accessibles en libre consultation. Aucun papier pour y accéder, elle est ouverte à tous. En revanche, les autres salles sont réservées aux chercheurs, aux journalistes, aux archéologues. après justification de leur demande. Parmi les espaces les plus impressionnants, figure le nouveau musée de la BnF. L'ancien était un peu confus, si bien qu’il a été entièrement repensé et restructuré. On y admire près de 900 pièces qui embrassent toute l’étendue des collections de la bibliothèque, de l’Antiquité à nos jours. On y admire la collection du duc de Luynes, l’un des personnages les plus riches de la France à l’époque, léguée à l’établissement en 1862. Mais aussi des oeuvres rares sont exposées comme le Grand Camée de France, le trône de Dagobert, les manuscrits de Victor Hugo, des estampes de Picasso et Rembrandt. Dans cet espace grandiose, on trouve aussi de remarquables collections de musique, avec des manuscrits originaux de Mozart, de Bach et de Stravinski. Une proportion importante des collections est montrée en rotation au rythme de tous les 4 mois.… Les voiles de pudeur ont été supprimées sur les fresques des plafonds de la galerie Mazarin, délicieusement baroque. Les fresques de Romanelli, inspirées des Méfamorphoses d’Ovide et de l’Enéide de Virgile, étaient devenus illisibles parce que le neveu du cardinal avait souhaité faire couvrir les nus. On peut désormais de nouveau admirer Jupiter foudroyant les géants ou encore l’enlèvement d’Hélène. Dans cet écrin, de véritables trésors sont abrités, comme celui de Berthouville (découvert en 1830 par un agriculteur normand qui labourait son champ) ou encore celui de Saint-Denis, avec notamment le trône de Dagobert, le jeu d’échecs de Charlemagne… Grâce à une offre de médiation numérique, il s’agit de s’adresser à tous les publics. Pour inviter le visiteur à découvrir autrement les œuvres exposées, 18 bornes de médiation numérique jalonnent le parcours pour manipuler un globe terrestre en 3D, découvrir l’histoire d’un bijou commandé par une reine, ou encore entrer dans l’atelier du copiste médiéval ou d’un potier antique…

“ Plus de 2350 personnes s'activent sur l'ensemble des différents sites ”

Une expertise saluée partout dans le monde 

Pour entretenir ce musée et faire vivre la bibliothèque dans son ensemble, au total, ce sont 2 350 personnes qui s’activent sur l’ensemble de ses différents sites, et réalisent un travail de fourmi. Ici, presque tout est internalisé. Il s’agit aussi bien de réceptionner le dépôt légal, que de cataloguer tous les documents, puis de les numériser. À noter, les documents les plus précieux, eux, ne sortent pas. Certains sont restaurés dans l’un des ateliers de l’établissement. Autant dire que le lieu bénéficie d’un savoir-faire aussi reconnu que prisé. « Nous sommes membres du consortium France Museum, et dans ce cadre, nous organisons des expositions an Louvre Abu Dhabi. La prochaine porte sur les religions monothéistes, sachant que nous avons des exemplaires de la Torah, de la Bible, mais aussi l’une des plus importantes collections au monde de Corans, avec des feuilles parmi des anciennes du texte sacré», souligne Gennaro Toscano. « Tout l'argent recueilli grâce à ce travail d'ingénierie permet de financer des acquisitions, ce qui est très noble », conclut notre hôte.