Culture

La belle destinée de Thalassa

Georges Pernoud est à l’origine de cette magnifique aventure et l’a merveilleusement incarné pendant des décennies.

Qui ne connaît pas la légendaire émission Thalassa ? Son sémillant créateur Georges Pernoud a présenté ce programme pendant 42 ans. Son studio sur la Seine est aujourd’hui l’un des rares héritages de ce magazine si unique. Histoire d’un bateau flottant qui n’en finit pas de se réinventer.

C’est en 1975 que démarre l’aventure. L’animateur mythique, décédé en janvier 2021 à l’âge 73 ans, a l’idée de cette émission maritime. Aux débuts, les bureaux de l’émission étaient intégrés au sein de la chaîne France 3 ; mais lors du déménagement Cours Albert 1er, Georges Pernoud constate qu’il n’a pas été prévu de place pour ses équipes.

Quoi de plus logique que des bureaux sur l’eau ?

Il identifie la péniche du Touring Club de France, qui héber- geait jusqu’alors l’Armée du Salut. Leur bail prenait fin et il décide d’y installer la production. Toute l’équipe déménage donc Pont Alexandre III de 1986 à 1998. L’accueil des visiteurs se fait sur le pont principal, tandis que les bureaux sont dans la cale, au niveau de la Seine. Il n’est pas rare que certains aient le mal de mer. Puis c’est vers un autre bureau flottant que l’émission Thalassa va migrer, au niveau du Pont du Garigliano, car le bail touche à sa fin. Georges Pernoud a l’idée folle de faire construire le bateau « Thalassa ». Il réussit à convaincre les responsables de France 3, qui à leur tour se tournent vers Bercy, qui accepte d’investir dans ce projet. Alors même que les m2 de bureaux disponibles dans Paris ne manquent pas, démarre en 1997 la construction du bateau (qui n’a de bateau que le nom car il n’est pas capable de naviguer) pour la modique somme de 1,9 million d’euros. Georges Pernoud rédige le cahier des charges et suit de très près le chantier. Le cabinet d’architecte chargé de la conception est Flahault Design (aujourd’hui Chenet Design) et la construction est réalisée par les Chantiers de la Haute-Seine à Villeneuve-le-Roi (94). Le port autonome de Paris est également mis à contribution pour obtenir une place à quai. 

Puisque Thalassa n’est pas conçu comme un véritable bateau, il n’est donc pas motorisé. Pour l’entretien, tous les deux ans, des pousseurs viennent chercher la barge pour la déplacer sur La Seine. À partir de 1998, sur une superficie d’environ 600 m2, le « bateau » accueille donc les équipes de Thalassa, mais aussi celles de « Faut pas rêver » au bout du parc André Citroën, à proximité des locaux de France Télévisions. Mais le véritable bureau des journalistes de Thalassa, c’est la mer. Sur la péniche, ont lieu la prépa- ration des émissions et les montages suite aux tournages. C’est aussi là que travaillent les équipes sédentaires pour la production, la communication… Là aussi que se déroulent des fêtes légendaires dans un esprit de convivialité. À sa façon, Georges Pernoud a également popularisé d’autres bateaux, comme par exemple le Marité. Ce bateau est devenu le studio de l’émission, le temps d’une saison. À Granville (dans la Manche), ce voilier reste indissociable de l’animateur. En 2004 et durant 28 semaines, le temps d’une saison, l’émission est enregistrée à bord de ce terre-neuvier, transformé en studio itinérant. Pendant un an, l’émission effectue un tour des ports, avec pas moins de 27 escales. Chaque arrivée était une fête !

Une nouvelle vie en tant que restaurant

En 2018, l’association Wake up Café – qui œuvre pour la réinsertion d’anciens détenus – rachète la barge Thalassa à France Télévisions. Le bateau est entièrement transformé pour accueillir un projet unique : un lieu de formation et un tremplin professionnel pour les anciens détenus ayant été suivis par l’association. Livré en septembre 2020 et amarré au Quai Liberté, dans le port haut de Javel, le bateau propose depuis le 18 juillet 2021, des services de guinguette du 1er mai à fin octobre, tout en offrant des opportunités de formation et d’emploi à des personnes en réinsertion.
 

Le bateau accueille des particuliers et des événements professionnels aussi bien dans le restaurant intérieur que sur la terrasse extérieure... pour des repas préparés en cuisine par d'anciens détenus, heureux de pouvoir travailler et ainsi se réinsérer.

Le Thalassa

Le « vrai » navire Thalassa a été livré en 1996. Long de 75 mètres, il a pour mission d’œuvrer en faveur de l’écologie des populations et d’évaluer les espèces exploitées en Manche, golfe de Gascogne et mer du Nord. Équipé pour ces campagnes de sondeurs halieutiques et doté d’une capacité de chalutage, il a été conçu comme un navire polyvalent capable de réaliser des campagnes d’océanographie physique. Depuis sa modernisation en 2017, il permet de procéder à des campagnes de géosciences. Il accueille jusqu’à 25 scientifiques et techniciens et travaille principalement en Atlantique et Méditerranée.

Lieu emblématique de l'économie sociale et solidaire, la péniche Thalassa est devenue le Quai Liberté

Quel mot plus riche de sens que celui de « liberté » pour d’anciens détenus ? Et la statue de la Liberté qui trône fièrement dans le paysage donne du relief à cette appellation. Créé par l’association Wake up Café en 2020, le bateau popularisé par Georges Pernoud s’est transformé en lieu d’hospitalité et de réinsertion par les métiers de l’événementiel. Dans un décor unique, sur les quais de Seine, les entreprises peuvent y organiser des séminaires. Le lieu peut aussi être privatisé pour tout types d’occasions. Enfin, on peut tout simplement y dîner ou profiter d’un verre en terrasse. Quand on monte à bord, on participe indirectement à la réinsertion d’anciens prisonniers formés et accompagnés pour participer à toutes les activités du lieu et apprendre un métier. C’est tout l’enjeu de l’association Wake up Café que de les réintégrer durablement dans la société, en leur permettant d’exprimer leurs talents, de rompre avec l’isolement, et de prévenir ainsi la récidive.

« L’objectif est en effet de renforcer l’estime des personnes et de les valoriser pour qu’elles puissent retrouver l’envie et l’énergie afin de devenir moteur de leur réinsertion. Chaque « wakeur » bénéficie d’entretiens individuels personnalisés afin de construire un parcours de réinsertion sur mesure. Nous souhaitons aussi sensibiliser la société et les chefs d’entreprise à l’enjeu de la réinsertion des sortants de prison grâce à la mise en lumière de talents découverts en prison », explique Clotilde Gilbert, aumônier de prison à l’origine du projet. Alors qu’elle officiait dans des prisons, elle s’est en effet rendue compte qu’il y avait des hommes qui voulaient faire autre chose de leur vie après être restés derrière les barreaux. Pour cela, il fallait leur donner une nouvelle chance !