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Interview - Marie-Amélie de Leusse, Présidente du conseil d'administration de Rémy Cointreau

“ Le savoir faire d’un groupe tricentenaire ”

Depuis le 21 juillet 2022 Marie-Amélie de Leusse est présidente du conseil d’administration de Rémy Cointreau (dont elle était
vice-présidente depuis juillet 2019), un groupe qui s’apprête à fêter le 300ème anniversaire de sa marque emblématique de cognac, Rémy Martin. Celle qui est par ailleurs directrice générale déléguée de la holding familiale Andromède, actionnaire de référence
de Rémy Cointreau, revient sur son parcours et ses ambitions…
 

Quels étaient vos rêves d’enfant ? Justement de prendre la suite ?

MARIE-AMÉLIE DE LEUSSE : Je ne me suis jamais dit : « quand je serai grande, je serai médecin, astronaute… ». Mes cousins et moi avons toujours été encouragés à faire ce que nous souhaitions, dès l’instant que nous donnions le meilleur de nous-mêmes.

C’est dans la finance que vous avez souhaité démarrer votre carrière. Pourquoi ?

C’était une opportunité, suite à un parcours assez classique au sein d’une école de commerce. J’ai eu la chance de travailler dans deux banques différentes à chaque fois avec des gens très intéressants et sur des sujets très variés.

Pourquoi ne pas avoir persévéré dans cette voie ? 

C’est un métier passionnant mais qui suppose une implication telle, que mon dos a lâché. Après un arrêt brutal dû à une hernie discale, j’ai fait le choix de démissionner et de rentrer en France pour me soigner.

Comment s’est écrite la suite de l’histoire ? 

En 2008, ma mère et mes oncles ont rassemblés tous les cousins pour nous rappeler qu’ils n’étaient pas éternels, et qu’il fallait réfléchir à la façon de préparer la suite. Ils souhaitaient savoir si certains d’entre nous avaient envie de s’intéresser de plus près au groupe. C’est à ce moment- là que j’ai commencé à me poser des questions. J’ai réalisé que le fait de faire partie de cette famille nous donnait des devoirs, au sens noble du terme, à la fois vis-à-vis de nos parents et grands-parents qui ont consacré toute leur vie à l’entreprise, mais aussi vis-à-vis des maisons exceptionnelles que Rémy Cointreau a la chance d’avoir dans son portefeuille. Ainsi, j’ai souhaité rejoindre le Groupe, même s’il m’a fallu deux années pour mûrir l’idée.

Dès lors, qu’avez-vous initié ?

MARIE-AMÉLIE DE LEUSSE : Pour pouvoir transmettre à la génération suivante, il fallait être capable de prendre les bonnes décisions pour le groupe. Cela supposait, selon moi, de bien le connaître et de le comprendre. Et le moyen le plus efficace, c’était certainement d’y rentrer pour apprendre de l’intérieur. 
J’ai donc eu une discussion avec ma famille, puis j’ai présenté ma candidature au directeur général de l’époque, Jean-Marie Laborde. Cela tombait bien parce qu’il avait besoin de quelqu’un au contrôle de gestion, un poste où je pouvais être utile. Lui-même avait commencé sa carrière sur ce type de missions, et il trouvait que c’était un excellent moyen de se familiariser avec la réalité de l’entreprise. J’ai eu la chance de travailler pour différentes divisions et d’être basée à Singapour pendant trois ans.

Être l’héritière d’une « dynastie » est bien sûr une grande chance, mais pour certaines personnes cela peut être un poids difficile à porter. Comment l’avez-vous vécu ?

Le nom que je porte actuellement est celui de mon époux. Et avant, je portais celui de mon père, lequel n’est pas en lien avec la société. C’est probablement une question qu’il faudrait poser à certains de mes cousins qui, eux, s’appellent, Hériard Dubreuil. Au sein du groupe, l’étiquette familiale n’était pas immédiatement visible et de nombreux collaborateurs l’ignoraient ou l’ont découvert tardivement.

Le plan de succession avait été préparé de longue date. Néanmoins, comment avez- vous réagi à l’annonce de votre nomination en tant que présidente du conseil d’administration ?

Ce plan était en effet préparé depuis plusieurs années et je savais depuis un certain temps que j’avais été choisie pour représenter ma génération. Néanmoins lorsque mon oncle Marc, qui présidait l’assemblée générale, m’a invitée à monter sur scène pour prendre la parole devant nos actionnaires, j’ai été submergée par l’émotion. Quand bien même cet instant s’inscrivait dans la continuité, ce fût un moment fort. Une fois l’émotion passée, j’ai pu continuer mon petit discours, à condition de soigneusement éviter de regarder les premiers rangs où étaient assis les membres de ma famille.

Quelles sont les nouvelles impulsions que vous appelez de vos vœux ?

Je précise que je n’ai pas de fonctions exécutives et que le management n’a pas changé. Éric Vallat est directeur général du groupe depuis novembre 2019. De plus, son mandat a été renouvelé en juillet dernier. Par ailleurs, beaucoup d’orientations ont déjà été mises en place, notamment sur le sujet du digital. Je m’inscris dans la continuité !

“ J’ai réalisé que le fait de faire partie de cette famille nous donnait des devoirs. ”

Votre mère était directrice générale du groupe. Dans quelle mesure vous a-t-elle inspirée ?

MARIE-AMÉLIE DE LEUSSE : C’est la personne qui m’a le plus marqué. Je suis fascinée par son énergie et sa comba- tivité. Et par la valeur de respect qu’elle a su m’inculquer. J’ai également été très inspirée par mon grand-père, André Hériard Dubreuil, qui a fait énormément pour la société.

Le groupe est à la fois avant-gardiste de par la place qu’il laisse aux femmes, mais aussi très fidèle aux traditions…

La place des femmes dans l’entreprise, c’est heureusement un « non sujet ». Pour ce qui concerne les traditions, notre groupe est très attaché aux savoir-faire des métiers. Les façons de procéder sont extrêmement précises : ainsi, pour le cognac, la distillation a lieu à une période précise de l’année, la température est parfaitement contrôlée, tout comme la flamme, mais aussi la taille des alambics. Pour Cointreau, la recette n’a pas changé depuis 1849 !

Le groupe a ses racines en Charente. C’est une région à laquelle vous êtes attachée ?

La famille a de profondes racines charentaises. J’ai passé énormément de temps dans cette région, où je continue d’aller souvent. Plus jeune, je passais beaucoup de vacances scolaires chez mes grands-parents à Cognac. Ma grand-mère connaissait absolument tout le monde dans l’entreprise et prenait des nouvelles des uns et des autres. C’était sa maison. Mon mari et moi passons aussi du temps dans le Dauphiné, où il a ses racines.

Qu’est-ce qui vous apporte du réconfort et de la sérénité ?

J’ai toujours pensé que je n’étais pas une personne stressée, puis mes problèmes de dos m’ont affirmé le contraire. J’aime écouter de la musique, au moins une fois par jour, même juste quelques minutes. Peu importe que ce soit du classique, du rock ou de la pop…. J’aime aussi, tout simplement, dîner avec des amis. Ou encore profiter de ma maison !

La transmission, c’est quelque chose qui vous tient à cœur ?

Oui, et je souhaite continuer à transmettre pour préparer les générations suivantes. L’objectif, c’est toujours de transmettre mieux encore que ce qu’on a reçu !

Ses essentiels

Le dernier livre qui vous a marqué ? J’ai tendance à lire des romans de gare, généralement en anglais.

Un lieu dans Paris ? Le parc Monceau.

Un mantra ? Ça dépend beaucoup de mon humeur.

Un plat que vous affectionnez ? Les galettes sablées de mon enfance mais malheureusement nous n’avons pas réussi à reproduire la recette.

Un vin ? Un château Latour !

Une appli que vous utilisez souvent ? Elevate. Ce sont des petits jeux en anglais pour travailler son vocabulaire et son calcul mental.

Un jeu ? J’ai beaucoup joué au gin rami avec ma mère, même si elle gagnait tout le temps !

Un mode de déplacement ? Je prends beaucoup le bus à Paris car j’aime voir ce qui se passe.

Un voyage en terre inconnue ? L'Islande.