Elections Européennes - Interview de Fabrice Le Saché, vice-président du MEDEF, en charge de l'Europe.
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Dans le cadre de votre tour de France puis tour d'Europe pour « une Europe qui entreprend », quel bilan pouvez-vous dresser de ces discussions avec les entrepreneurs ?
Ce grand tour de France, rythmé par 13 étapes à travers la France, a permis de recueillir les attentes et les idées de nos adhérents avant les élections européennes du 9 juin. Sur la base de ces échanges, nous avons établi 30 propositions. Au-delà des spécificités économiques propres à chaque région, ce qui ressort de ces échanges c'est un diagnostic partagé sur les actions urgentes à mettre en place. Au vu des enjeux internationaux, avoir plus d'Europe s'impose, mais il faut avant tout « mieux d'Europe ». Réinvestir le champ européen nécessite une vision de la compétitivité qui doit se traduire par un choc de productivité. Or, pour faire réussir l'Europe, l'approche réglementaire de l'Union doit laisser place à une approche économique, plus pragmatique, avec comme ligne directrice notre prospérité. La double transition numérique et climatique représente à la fois un défi majeur pour les entreprises et le moteur de notre réindustrialisation. Opérer cette transformation économique oblige à améliorer le fonctionnement actuel du marché intérieur et la coordination des politiques publiques nationales.
Vous avez diffusé en avril un Manifeste européen des Entreprises de France avec 30 propositions. Pouvez-vous nous en donner les grandes lignes ?
Nous défendons la thèse d'une Europe puissante et pragmatique gouvernée de manière plus efficace. Et un marché intérieur qui joue pleinement son rôle de levier économique. Au regard de la compétition mondiale, il y a un réel enjeu de puissance économique européenne. Au-delà de la conjoncture, un écart structurel s'est creusé de manière significative entre les États-Unis et l'Union Européenne. Cette rupture de vitesse avec d'autres blocs impose à l'Europe un rythme nouveau, il est temps de donner un coup d'accélérateur ! Ce « mieux d'Europe » que nous appelons de nos vœux doit se traduire par la fin de la surrèglementation européenne qui pénalise nos entreprises. Cela passe par un choc de simplification et une systématisation des études d'impact sur les PME. Premier objectif : si l'on veut réindustrialiser l'Europe, la relance de la production de l'Union est vitale pour rester dans la course.
La création d'un fonds souverain (représentant 10 % du budget de l'UE, soit aujourd'hui 12 milliards), consacré au développement de technologies stratégiques créerait un réel choc de compétitivité ! D'autre part, nous voulons accélérer vers une économie plus durable. Ce ne sera possible que si l'UE adopte une directive bas-carbone pour sanctuariser la complémentarité des solutions. Mais avec la réindustrialisation, l'innovation est une condition de notre souveraineté et de notre croissance. Pour accélérer la cadence des innovations, il est impératif de doubler la part du budget européen qui y est consacrée et de se rapprocher du fonctionnement de la DARPA américaine. Et si l'on veut faire émerger des champions européens, un enjeu majeur pour notre compétitivité, « l'Europe de la compétence » doit encourager la création de diplômes européens communs dans un écosystème éducatif intégré et numérisé. Enfin, pour assurer notre sécurité économique et la diversification de nos chaînes d'approvisionnement, il est impératif de poursuivre la négociation des accords de commerce. Et pour répondre aux futurs besoins de l'économie, veiller à faire croître les marchés de capitaux pour financer nos futurs projets.
En tant que vice-président du MEDEF en charge de l'Europe, qu'attendez-vous de la mobilisation des Parisiens dans le cadre des élections européennes ?
Au regard de son bilan, l'Europe doit se transformer en profondeur. Nous sommes à un moment de bascule entre la transformation de nos économies, l'accélération de la prédominance économique américaine et chinoise et une recrudescence des tensions géopolitiques. Les cinq prochaines années seront déterminantes pour le repositionnement de l'Europe dans le monde. Si l'on veut faire entendre la voix de la France et donner un nouveau cap au projet européen, les Parisiens doivent être au rendez-vous des élections. L'enjeu des élections européennes est crucial pour l'avenir des entreprises. L'Europe - l'une des pierres angulaires de ce mandat - doit retrouver sa place, reconquérir sa souveraineté et sa compétitivité. De notre mobilisation dépendra notre réussite collective.
Que signifie pour vous « être un chef d'entreprise européen » ?
Les crises multiples que nous avons traversées, que ce soit le Covid, la guerre en Ukraine et ses conséquences, ont mis les entreprises à rude épreuve. Je tiens à saluer l'extraordinaire mobilisation et la résilience des chefs d'entreprise européens ! Au vu des défis actuels et à venir avec la transition écologique, les négociations sur les réformes sociales, la poursuite de la politique de l'offre, nous nous battrons pour assurer la défense de leurs intérêts. Dans un contexte politique, social et économique perturbé, nous veillerons à trouver des compromis en accord avec l'activité de nos entreprises, la croissance économique étant la ligne directrice. L'Europe est la seule échelle pertinente pour relever nos défis au sein de la mondialisation.
De quelle Europe rêvez-vous pour les entrepreneurs en 2050 ?
Notre ambition à l'horizon 2050 c'est de faire de l'Europe la première puissance économique mondiale. Retrouver la première place en termes de compétitivité nécessite un réel changement d'approche. L'Union doit se doter d'une stratégie pro-croissance - l'un des piliers de notre campagne « Pour une Europe qui entreprend. ». Sur le plan économique, 60% de notre économie dépend du marché intérieur. C'est notre intérêt d'approfondir le marché intérieur afin qu'il soit plus intégré et dynamique.
Face au nouvel ordre mondial et des pays qui ne jouent pas les règles du jeu, les entreprises européennes sont confrontées à des asymétries de concurrence, voire à une concurrence déloyale. Si nous plaidons en faveur d'une Europe ouverte, orientée vers les échanges commerciaux et de libre-échange, l'UE doit cependant se montrer moins naïve et actionner tous les instruments anti-subvention, anti-coercition, le filtrage des investissements, mis en place par la Commission pour protéger l'Europe.
Retrouvez ici le dossier avec les 30 propositions du MEDEF pour une Europe qui entreprend.