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Dossier - Tempête sur l'hôtellerie-restauration, on partage l'addition ? 3/4

“ Nous sommes convaincus que l’expérience émotionnelle est au cœur des attentes. ”

Jean-Pierre Trevisan, directeur général du Lutetia

Des clients toujours plus exigeants

C’est d’autant plus essentiel de ne pas se reposer sur ses lauriers que les clients sont de plus en plus exigeants. Ils aspirent à passer des moments festifs. Et pour cela, ils sont prêts à mettre le prix. « À condition de tenir ses pro- messes, alerte Benjamin Patou. S’ils veulent juste dîner, sans aucune autre sorte d’attente, ils ont recours aux plateformes de livraisons à domicile qui permettent de recevoir chez soi n’importe quel type de plat en 12 mn. Mais s’ils sortent, c’est rarement juste pour manger et repartir, mais pour écouter de la musique et profiter d’un cadre magique ». Et de poursuivre : « il faut être intransigeant sur la propreté des sites, la qualité des plantes vertes, le volume de la musique, l’intensité de la lumière, le sourire du personnel... : notre métier repose sur la constance ». Une constante d’autant plus essentielle, que dans cet univers, la concurrence est rude. S’il est certain que l’explosion des Deliveroo et autres Uber Eats a changé la donne, il en est de même des avis en ligne, qui se sont imposés comme des juges de paix. Benjamin Artis mène une veille quotidienne, car il lui paraît primordial d’être vigilant, d’écouter et de répondre : « J’apprécie d’être en contact avec ma clientèle par ce biais. 

Pas facile d’être objectif quand on est fatigué, ni de se faire juger quand on donne tout, 18h par jour ». Il rappelle qu’à l’époque, si des patrons ou des serveurs étaient anti- pathiques ou incompétents, mais avaient un bel emplace- ment, cela suffisait. Ce n’est plus le cas. Et d’ajouter : « ma quarantaine d’employés sont heureux, et je crois à la contagiosité du sourire. À l’ère du numérique, il faut être irréprochable car le moindre écart est sanctionné ». C’est particulièrement vrai dans le luxe où les clients attendent un accueil chaleureux et naturel. C’est important d’être en mesure de savoir quel est leur nom, quelles sont leurs préférences… « Le souci du détail est indispensable. Personnaliser le service est un travail de chaque instant. Savoir-être des équipes, maintenance, expérience olfactive et sonore, qualité de la restauration… nous sommes convaincus que l’expérience émotionnelle est au cœur des attentes », relève Jean-Pierre Trevisan du Lutetia. De son côté, Jean-Claude Wietzel constate qu’au Palace George V, jamais la conciergerie n’a reçu autant d’emails de clients désireux de préparer chaque détail du séjour, là où avant, on notait davantage d’improvisation : « Parfaitement com- préhensible car ils veulent vraiment se faire plaisir ». Il constate d’ailleurs qu’il n’y a pas de résistance sur des prix, qui ont pourtant augmenté. Et d’ajouter : « pour éviter qu’ils aient une impression désagréable dès l’arrivée, en raison de longues files d’attente aux douanes et de la confrontation avec des agents peu souriants, nous avons développé un service pour venir les chercher dès la sortie de l’avion ». Parce que la première impression est déterminante, il convient que, dès le début, leur expérience soit unique. Ce type d’offre est aussi important pour faire face à un environnement très concurrentiel. Les palaces parisiens se rénovent régulièrement afin d’être à la pointe sur les nouvelles tendances. 

“ Parce que la première impression est déterminante, il convient que, dès le début, leur expérience soit unique. ”

3 questions à Christophe Laure, Directeur de l'UMIH Prestige et Directeur Général de L'Intercontinental Paris le Grand

Gilet jaune, Covid, tensions sociales, grèves des éboueurs, manifestations… votre secteur n’est pas épargné. En mars 2023, le chiffre d’affaires des restaurants était en baisse de 30%. Comment faire face ?

En effet, nous sommes régulièrement secoués et on se mobilise. Nous tentons d’interagir avec les pouvoirs publics pour que les choses se passent au mieux, même si le contexte actuel est particulièrement compliqué. Les établissements travaillent en bonne intelligence avec les ministères et les mairies concernant les enjeux de sécurité notamment. Les images de guérilla qui passent à la télévision et font le tour de la planète impactent clairement les réservations. Les effets collatéraux de la réforme des retraites ont généré de 20 à 50 % d’annulations dans les hôtels et restaurants.

Quelles sont vos perspectives concernant le secteur et faut-il craindre des mises au chômage partiel ?

Nous n’en sommes pas encore là, mais nous avons gelé des embauches. C’est une mauvaise nouvelle pour l’emploi. Je reste malgré tout confiant et optimiste parce que de plus en plus de gens voyagent. En revanche, il faut qu’on ait le service, l’empathie et la qualité. L’hôtellerie française est l’une des plus belles au monde et il faut maintenir cette image. La ville de Paris a un potentiel de développement incroyable. Entre 2006 et 2016, l’offre des palaces a augmenté de plus de 60 %.

Se réinventer, c’est la clé ?

Oui, absolument. Nous créons des concepts qui n’existaient pas avant, comme par exemple au sein de l’Intercontinental, un diplomatic corner, c’est-à-dire une partie de l’hôtel avec des portes blindées et une panic room. Dans un autre registre, nous avons ouvert l’hôtel Kimpton, un établissement de luxe moderne et décontracté.
 
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