Vie du réseau

Interview de Patrick Martin, nouveau président du MEDEF

Quels sont les grands axes de votre feuille de route pour faire du MEDEF une organisation encore plus influente ?

La poursuite du dialogue social occupera une place centrale dans ce mandat. À l’heure où les fractures au sein de notre société s’intensifient, il en va de notre responsabilité de renforcer nos liens avec les partenaires sociaux afin de trouver des accords sur les questions concrètes qui concernent les entreprises et leurs salariés. C’est ce que nous avons réalisé ces dernières années. Je souhaite que le MEDEF pèse dans le débat en établissant une hiérarchie des priorités, et bâtir ainsi notre agenda social autonome avec les organisations syndicales et patronales. Par ailleurs, l’affirmation des valeurs de l’entreprise doit intervenir dans tous les débats publics, car elles sont au carrefour des enjeux économiques, politiques et sociétaux, voire sociologiques. Pour atteindre cet objectif, la circulation de l’information est une priorité. Partager avec nos adhérents les travaux des commissions du MEDEF renforcera le caractère opérationnel de leurs propositions. Afin de faciliter la prise en compte des opinions des chefs d'entreprise, une plateforme collaborative sera mise en place permettant aux entrepreneurs et dirigeants de contribuer à l’élaboration des positions du MEDEF. En parallèle, l’expertise d’intervenants extérieurs, des think tanks et associations s’associera aux travaux du MEDEF afin de renforcer la voix des entreprises dans le débat public. Au niveau européen, notre stratégie d’influence va s’intensifier auprès de l'UE pour assurer la défense de nos intérêts. Il s’agira de porter la voix des entreprises françaises sur les défis en cours et à venir : le double enjeu de la transition énergétique et numérique, l’accès aux matières premières, la refonte du marché de l’électricité, le financement des infrastructures. Notre action se traduira par la prévention des effets de distorsion en matière d’aide d’État sur le marché intérieur et la pleine utilisation des instruments de défense.

 

Que comptez-vous mettre en œuvre pour que le MEDEF puisse davantage contribuer aux débats d’idées ?

Le MEDEF doit continuer à reprendre sa place dans le monde des idées et défendre les valeurs de l’entreprise dans tous les débats publics. Dans cette perspective, je mettrai en place un MEDEF Labs pour accentuer nos capacités de prospective et d'actions, identifier les opportunités et les risques, anticiper les mutations, et donc mieux accompagner les entreprises dans un monde en mouvement. Une vice-présidence prospective et idées sera créée.

Comment contribuer encore plus à la qualité du dialogue social ?

L'intérêt général sera la boussole stratégique du dialogue social. C’est le sens de notre mission. Avec les partenaires sociaux, nous souhaitons porter les sujets prioritaires qui relèvent de notre champ d’action. Nous mènerons de manière autonome tout ce qui peut l’être. Concilier croissance et objectifs climatiques fait partie des enjeux que nous souhaitons aborder dans le cadre du dialogue social. C’est pourquoi, j'invite les partenaires sociaux à s'emparer du sujet dans le cadre d’une « convention croissance climat » pour bâtir ensemble une feuille de route pour une décarbonation réaliste —parce que financée et gagnante pour tous.

“ L'intérêt général sera la boussole stratégique du dialogue social. ”

Les pouvoirs publics estiment que les entreprises sont en première ligne pour « transformer » véritablement le pays. Quelles sont les conditions pour permettre aux entreprises de jouer ce rôle ?

La transition écologique requerra une transformation d’ampleur comparable aux révolutions industrielles du passé pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, Une croissance plus sobre, plus verte, pose inévitablement la question des types de financement. La décarbonation de l’économie nécessitera des investissements considérables. Nous les avons évalué à 40 milliards d’euros par an. Pour que les entreprises puissent investir, il faut leur laisser les marges de manœuvre nécessaires, Il est donc impératif de réduire les impôts de production pour financer cette indispensable décarbonation. Le coût du travail ne doit pas augmenter, au contraire. Décarboner l’économie va coûter cher en raison des investissements massifs à faire et nécessitera une planification de l’économie. Ce changement de modèle économique devra être progressif pour que les efforts soient soutenables. Il faut raisonner en termes de filières : le ciment, l’agriculture, le transport, le bâtiment sont les plus concernés par ce défi. L’effort sera surtout porté par les industries énergo-intensives dont les secteurs sont les plus émetteurs de CO2.

La décarbonation est aujourd’hui un enjeu majeur de société mais c’est aussi un levier de réindustrialisation et de compétitivité. Comment entendez-vous le faire valoir ?

Réussir la transition écologique constituera la condition pour réindustrialiser la France. Dans la compétition mondiale à la décarbonation de l’économie, l’Europe doit se positionner pour assurer sa place au rang des pays les plus compétitifs et prendre des parts de marché. La nouvelle économie qui se dessine, l’économie verte, constitue un levier de croissance durable et figure comme l’un des axes prioritaires pour réindustrialiser la France, ce qui est essentiel pour notre souveraineté, l’emploi, le dynamisme de nos territoires et la croissance. La priorité pour les prochaines années sera axée sur l'investissement et sa planification. Alors que l’Union Européenne produit plus de normes que le reste du monde, il est temps de ralentir la machine réglementaire et commencer à appliquer de manière homogène les réglementations existantes, Face à la concurrence des pays comme les États-Unis et la Chine, il est impératif de préserver nos industries européennes : cela implique d’être un marché vert mais aussi de relocaliser nos productions sur notre sol. Il n’y aura pas de décarbonation sans formation aux compétences de demain. L'éducation, la formation des jeunes générations sera déterminante pour développer les compétences liées aux nouveaux métiers, C’est l’une des clés permettant de réaliser la décarbonation.

Comment souhaitez-vous continuer à faire vivre l’échange et le dialogue avec les MEDEF des métropoles ?

Travailler de concert avec les MEDEF des métropoles s’avère capital pour répondre aux futurs enjeux, Nous sommes face à des défis qui vont au-delà du cadre national : la double transition écologique et numérique relève d’une action collective. Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, les métropoles joueront un rôle clé. Étant au carrefour des enjeux de mobilité, de logement, d’interconnexion des villes au reste du territoire, du maintien des flux économiques, les métropoles générèrent trois quart de la croissance de la France (OCDE). Il est impératif de resserrer le maillage territorial autour des défis prioritaires et qui requièrent une coopération renforcée. À ce titre, je souhaite ainsi davantage partager les travaux du comité des métropoles, avec nos adhérents, pour renforcer leur caractère opérationnel.

La Rencontre des Entrepreneurs de France (La REF), est devenue un événement incontournable de la rentrée économique et politique. Comment voyez-vous son évolution dans les prochaines années ?

En effet, la Rencontre des Entrepreneurs de France marque fortement la rentrée économique et politique. Le succès de cet évènement tient à sa capacité d'innovation et son potentiel de « démultiplication ». Chaque année, nous proposons aux participants d'aborder des sujets variés et très anglés. Une deuxième scène permet d'évoquer des thématiques très entrepreneuriales : le secret des licornes l’année dernière, l’engagement des entreprises cette année. Nous avons créé la REF Francophone qui est désormais itinérante et se déroule chaque année dans un pays différent de l’espace francophone. Nous déclinons la REF tout au long de l’année avec les REF Thema et les MEDEF territoriaux produisent des REF locales. La marque s’installe et pour durer, elle devra continuer à surprendre. C’est un défi passionnant et je sais que notre réseau regorge d'idées.